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Témoignage et impressions d’un bref passage au Palais fédéral

À l’occasion du jeûne fédéral, quelques parlementaires organisent un repas au Palais fédéral. Ils y invitent des élus de tous niveaux – fédéral, cantonal et communal –, ainsi que des responsables d’organisations religieuses, des aumôniers, des prieurs du Palais fédéral et des ambassadeurs. C’est dans ce cadre que j’ai eu le privilège de m’y rendre en tant que président a.i. du RES, accompagné de Jean-Luc Ziehli, ancien président du RES.

Je dois avouer (je ne sais pas si cela s’avoue, mais tant pis) que c’était la première fois de ma vie que je pénétrais dans ce haut lieu de la politique suisse. Ce fut non sans émotion que j’ai franchi ses portes. Trois éléments, en particulier, m’ont marqué.

Tout d’abord, la coupole se trouve au centre, à l’entrée, au-dessus des escaliers reliant tous les étages : un signe fort que le pouvoir appartient au peuple. La coupole n’est pas située au-dessus de la salle des parlementaires. Dans le contexte politique actuel, ce détail m’a paru particulièrement significatif.

Ensuite, j’ai été frappé de voir, au-dessus des statues des trois Confédérés prêtant serment sur la prairie du Grütli, le drapeau jurassien peint au plafond. Ce drapeau a été intégré de cette manière, puisqu’il n’était sans doute pas possible de l’ajouter à la rosette de la coupole. J’y ai perçu une démarche typiquement helvétique : un pragmatisme qui s’exprime même dans un lieu pourtant hautement symbolique.

Enfin, la statue de Nicolas de Flüe a attiré mon regard. Dans ce lieu éminemment politique se trouve un saint catholique, aux côtés d’Arnold Winkelried. Et pourtant, on ne se gêne pas de déboulonner certaines statues qui ne sont plus, aux yeux de certains, acceptables. C’est là, à mes yeux, une belle illustration de la force de notre pays : le religieux y garde (encore) une place. C’est une place débattue, discutable, mais bien réelle. Il faut simplement savoir et apprendre à l’habiter de la juste manière, peut-être sans passer son temps à la revendiquer.

C’est précisément parce qu’il existe encore une place pour cela que ce repas, dans le cadre du jeûne fédéral, est possible : un moment où il est accepté de témoigner d’une foi chrétienne vivante.

La rencontre et le repas ont eu lieu dans la galerie des Alpes, nom qui s’impose au vu de la splendide perspective qu’elle offre sur les trois sommets bernois. Le mélange des convives est impressionnant : je serre la main et échange quelques mots avec l’ambassadeur de Taïwan, je mange à côté de l’ambassadeur de Biélorussie – autant dire qu’il y avait des sujets sensibles qu’il valait mieux éviter ! L’occasion aussi de faire la connaissance de la présidente de l’Église évangélique réformée de Suisse, ou de retrouver des visages familiers comme Andy Bachmann, secrétaire général de la SEA, ou encore ma collègue syndique de la ville de Morges, Mélanie Wyss. Je me permets d’utiliser ce terme de « collègue », puisque j’assume également la fonction de syndic de mon village, qui se trouve dans le district de Morges.

Le repas est ponctué de moments musicaux et de prises de parole. C’est notamment Laurent Wehrli, conseiller national, qui assure la modération. La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider intervient sur le thème de la place de la spiritualité dans un monde agité, complexe et instable. Y voit-elle une ressource ? Difficile à dire : son propos est politiquement et helvétiquement correct. Ce temps se conclut par la prière de Marc Jost, conseiller national, puis chacun retourne à ses activités.

Je peux désormais dire que j’ai visité le Palais fédéral ; mais j’y ai surtout vécu une expérience qui m’a permis de mieux saisir la posture de représentation des chrétiens évangéliques. En effet, lorsque mon voisin de table m’annonce qu’il représente la Biélorussie, je lui réponds que je représente les Églises évangéliques de Suisse romande. Je crois que nous avions tous deux une lueur d’interrogation dans le regard : quels sujets pouvions-nous bien oser aborder ? Finalement, nous avons parlé de nos familles, et ce fut une conversation des plus enrichissantes.

Michel Siegrist, président a.i. du RES