Une étude menée pour la deuxième fois en 2024 par l’institut de recherche gfs-zürich atteste d’une meilleure image des églises évangéliques qu’en 2016. Les églises évangéliques sont moins perçues comme des moralisateurs. Environ un tiers des Suisses ont fait une expérience positive avec les églises évangéliques. L’image s’est surtout améliorée chez les jeunes de 18 à 39 ans.
« Les sorties d’Église ont doublé », « Après le scandale des abus : un catholique sur vingt quitte l’Église » ou « Les sorties d’Église atteignent un niveau record » : ces derniers mois, le thème de l’Église a été marqué par de gros titres négatifs. Cette évolution est directement liée au phénomène de sécularisation qui touche la société. Les enfants ne sont plus baptisés, on ne se marie plus à l’église et les enterrements ont souvent lieu dans le cercle familial le plus étroit. Ainsi, la société perd le fondement chrétien sur lequel elle a été fondée. C’est dans ce contexte que l’institut de recherche gfs-zürich a mené une deuxième étude, après celle de 2016, en posant les mêmes questions. Pour la Suisse romande, les données ont été collectées pour la première fois.
L’Armée du Salut reste l’église évangélique la plus connue
Le degré de notoriété des églises évangéliques n’a globalement pas augmenté : 38% de la population alémanique et 55% de la population romande ne connaissent aucune église évangélique. « Nous ne sommes pas très connus du public, c’est vrai. Les médias ne parlent que rarement de nous », explique Christian Kuhn, directeur du Réseau évangélique Suisse (RES), qui représente 250 églises évangéliques en Suisse romande. Seuls quelques noms d’églises évangéliques viennent spontanément à l’esprit des personnes sondées ; en Suisse alémanique, ce sont la FEG (Freie Evangelische Gemeinde), Chrischona (désormais Église Viva) et l’Armée du Salut qui ont les plus cités En Suisse romande, la population pense spontanément le plus souvent à l’Église évangélique méthodiste (EEM), à l’Armée du Salut et à l’Union évangélique d’Églises baptistes de Suisse romande. Le point « autres églises évangéliques » a suscité un grand nombre de réponses. Les églises nationales, mais aussi les sectes, sont parfois classées parmi les églises évangéliques. C’est un indice que la population n’arrive pas toujours à distinguer clairement les églises nationales, les églises évangéliques et les sectes. A la question « Je cite des noms d’églises évangéliques, lesquelles connaissez-vous, ne serait-ce que de nom ? », l’Armée du Salut se détache clairement avec 86% (CH alémanique 86%, CH romande 85%), comme en 2016. Suivent la FEG (Freie Evangelische Gemeinde) (59%, seulement en CH alémanique), l’Église baptiste (55%, seulement en CH alémanique) et l’Église évangélique méthodiste (53%, , 54%, en CH alémanique, 49% en CH romande).
Davantage d’expériences positives issues de contacts personnels
En 2024, 32% (2016 : 27%), soit environ un tiers des Suisses, ont fait des expériences positives au contact des églises évangéliques. En ce qui concerne les expériences issues de contacts personnels avec des chrétiens d’églises évangéliques, ils étaient encore significativement moins nombreux en 2016 (27%). Ce chiffre est plus élevé en Suisse alémanique (35%) qu’en Suisse romande (24%). Cependant, en Suisse romande, ce n’est pas davantage d’expériences négatives (10%) qui ont été faites, mais plus souvent aucune (66%). Il est à noter que les personnes âgées de 18 à 39 ans sont plus nombreuses à partager ces expériences positives (31%) qu’en 2016 (18%). De même, les expériences positives sont nettement plus nombreuses que les expériences négatives par rapport aux autres groupes d’âge.
Une contribution pour la société plutôt positive que négative
Une personne interrogée sur cinq (20%) atteste que les églises évangéliques contribuent positivement au bon fonctionnement de la vie en société. Cette considération est restée stable par rapport à l’enquête de 2016 (19%). En 2024, elle est significativement plus élevée à la campagne (24%) et dans l’agglomération (21%) qu’en ville (13%). La valeur est légèrement plus élevée en Suisse romande (22%) qu’en Suisse alémanique (19%), mais cette différence n’est pas significative. De même, les personnes ayant un niveau de formation bas (24%) sont plus nombreuses à ressentir cette contribution positive que les personnes ayant un niveau de formation élevé (19%).
Les préoccupations des églises évangéliques sont perçues différemment
En 2024, les églises évangéliques apparaissent moins comme des moralisateurs : en 2016, à la question « Pour quelles causes les églises évangéliques s’engagent-elles particulièrement ? », les sujets moraux « contre l’avortement » (2024 33% ; 2016 35%), « contre l’homosexualité » (2024 25% ; 2016 32%) et surtout « contre des relations sexuelles avant le mariage » (2024 21% ; 2016 39%) étaient encore fortement mis en avant. Cette année, le résultat est donc partagé : les trois sujets précités sont parfois en forte baisse. « Contre des relations sexuelles avant le mariage » a même diminué de près de la moitié. En revanche, des engagements comme « Contre la pauvreté et la faim dans ce monde » (2024 31% ; 2016 26%), « Pour le bien commun » (2024 27% ; 2016 31%) et « Pour la justice sociale » (2024 23% ; 2016 20%) sont un peu plus présents dans les églises évangéliques en 2024. Le thème de l’avortement se maintient solidement en tête, notamment en raison d’actualités récentes à l’étranger (jugement de la Cour suprême des Etats-Unis qui a annulé en 2022 le droit à l’interruption de grossesse en vigueur dans tout le pays, nouvel article de loi en Italie, grandes discussions en France).
Une image ambigüe
Par rapport à 2016, la population suisse perçoit un peu moins les églises évangéliques comme étant « engagées socialement » ou « pertinentes pour la société ». Les églises évangéliques sont également de plus en plus considérées comme « rétrogrades ». En revanche, l’attribut « engagé pour la communauté » est resté stable, même s’il se situe à un niveau plutôt bas. Et les églises évangéliques sont légèrement moins qualifiées de « bigotes », « sectaires » ou « fondamentalistes » qu’en 2016. Andrea Umbricht, responsable du projet chez gfs-zürich, constate ici une certaine ambivalence : « Les églises évangéliques polarisent – certains sont d’accord avec ces caractéristiques des églises évangéliques, d’autres pas du tout. Sur une échelle de 1 à 5, les valeurs d’approbation se situent toutes autour du milieu ». Elles se situent en 2024 entre 2,4 et 3,3 points sur 5.
Comparaison des résultats entre 2016 et 2024
Dans l’ensemble, l’image des églises évangéliques en Suisse s’est améliorée. Certaines réticences ont diminué. Ainsi, les églises évangéliques ont tendance à être moins qualifiées de bigotes et de sectaires. Mais la tendance n’est pas linéaire dans une direction. Ainsi, des valeurs telles que l’engagement social ou la prise en compte de la société ont diminué. Stéphane Klopfenstein, directeur adjoint du RES, conclut que « les églises évangéliques sont moins fortement opposées aux questions morales, mais il reste du travail pour faire prendre conscience aux gens de tout leur engagement positif pour la société»
Étude
L’institut de recherche gfs-zürich a interrogé par téléphone la population suisse alémanique et romande âgée de 18 ans et plus (en 2016, uniquement la population suisse alémanique). L’échantillon s’élève à 1003 interviews. Il est représentatif de la population de Suisse alémanique et de Suisse romande âgée de 18 ans et plus. La période d’enquête s’est déroulée du 18 avril au 21 mai 2024. Les résultats de l’étude sous forme de graphiques sont disponibles ICI.