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Le Réveil, (re)parlons-en…et agissons en conséquence

Lors de la Conférence des délégués de secteurs d’œuvres (CDSO) et lors de la Conférence des présidents d’unions d’Églises (CPUE) du 5 septembre respectivement 12 septembre dernier à St.-Légier, un « Spécial Focus » sur le thème du Réveil a été abordé. Après une présentation de quelques-uns de ses signes actuels en Europe, les participant-es ont réfléchi ensemble à la manière de voir le Réveil et de s’y préparer, ou pas. Aspirant toutes et tous à voir un Réveil, les avis ont divergé quant à la manière de s’y préparer et la capacité actuelle des Églises et Oeuvres à y faire face. Petit tour d’horizon non exhaustif des échanges.

Les conférences ont débuté par ce constat qu’il existe un champ de tension entre « les enflammés » de voir un Réveil se manifester à nouveau en Europe, donc aussi en Suisse, et les « blasés » qui voient dans ce thème quelque chose de frustrant car le Réveil n’arrive pas après tant d’années de prière pour sa venue. Pour certaines personnes, dont le théologien Charles Finney, le Réveil se prépare. C’est grâce à des moyens qu’il va arriver, au travers de la prière, de la repentance et d’une consécration accrue. Pour d’autres, comme les théologiens Iain Murray et Timothy Keller, le Réveil ne peut pas se préparer. C’est l’action souveraine de Dieu, c’est une « une intensification des opérations normales du Saint-Esprit » (Keller) qui conduit au Réveil, aussi bien des chrétiens  (consécration renouvelée) que des non-chrétiens qui découvrent le salut et deviennent disciples du Christ.

De signes réels de Réveil en Europe…et même en Suisse

Plusieurs articles et rapports de missionnaires internationaux européens montrent des signes du Réveil en Europe. Voici un condensé en 5 points.

  1. Le « Quiet Revival » parmi la jeunesse britannique

Au Royaume-Uni, des données de la Bible Society montrent qu’entre 2018 et 2024, la fréquentation régulière des églises parmi les 18-24 ans est passée de 4 % à 16 %, même 21 % pour les jeunes hommes. Ce phénomène, nommé « Quiet Revival », reflète un retour discret mais réel à la foi chrétienne, porté par des aspirations profondes à du sens et de la communauté dans un contexte culturel marqué par la crise existentielle.  Des paroisses urbaines telles que St Margaret’s à Canning Town (Londres) enregistrent des afflux importants, notamment lors de la Semaine sainte, avec jusqu’à 5 000 participants répartis sur plusieurs messes, et plus de 800 fidèles chaque semaine, en majorité des moins de 35 ans, y compris des convertis venus d’origines diverses.

Ce renouveau est corroboré par d’autres sources affirmant que la fréquentation a augmenté de 50 % en six ans en Angleterre et au Pays de Galles, avec une forte implication des jeunes dans la prière, l’activisme religieux, et une réorientation vers une spiritualité structurée.

Ce même phénomène est observé en Finlande, en Suède (où Jésus a été élu « influenceur de l’année » en 2024) et aux Pays-Bas, notamment au sein des églises luthériennes. De nombreux jeunes achètent des Bibles sur incitation de tiktokeurs et sollicitent les pasteurs pour leur expliquer « comment ça se lit ».

  1. Mouvements de jeunes leaders et évangélisation en Europe

L’initiative Revive Europe, dirigée vers les étudiants, encourage la formation de 100 jeunes leaders destinés à rejoindre le Awakening Project à Londres. Cela illustre une volonté de renouveau et de propagation du message chrétien parmi la génération Z.

Par ailleurs, des jeunes catholiques ont lancé un « Manifesto of Young Christians of Europe », une initiative-pèlerinage s’étendant de Rome à Jérusalem, visant à « restaurer l’âme de l’Europe » par l’évangélisation, la guérison et la foi incarnée.

  1. Manifestations concrètes de renouveau (implantations d’églises, prière, unité chrétienne)

Un article de 2023 dresse un panorama des signes du Réveil, toujours perceptibles aujourd’hui :

  • Églises de la diaspora, notamment latino-américaines, africaines ou chinoises, prolifèrent dans des villes européennes — Espagne, Royaume-Uni, etc.
  • Implantation d’églises: en France, on vise une église évangélique pour 10 000 habitants, avec environ un nouveau lieu de culte chaque semaine, voire chaque jour dans certains réseaux.
  • Mouvement de prière: plus de 22 000 salles de prière 24/7 dans 78 pays, dont beaucoup en Europe. À Augsbourg (Allemagne), l’une d’elles est active depuis plus de 110 000 heures d’affilée.
  • Unité chrétienne accrue: tensions estompées entre dénominations, notamment grâce à des événements de grande ampleur comme The Send Norway, rassemblant 9 000 jeunes de 29 organisations chrétiennes norvégiennes.
  • Mobilisation de la jeune génération: des événements comme Christival en Allemagne (13 000 jeunes) ou Revive Europe (3 000 étudiants de 68 pays) démontrent une soif profonde de rencontres authentiques avec Jésus.
  1. Deux témoignages académiques

Le professeur Paul Zulehner (University of Vienna) évoque une « tendance révolutionnaire », réactive face à la sécularisation, appelant les Églises à répondre avec créativité à cette dynamique parmi les jeunes.  Quant à Gunnar Mägi (Tyndale Theological Seminar, Pays-Bas), il estime que l’Europe est « pré-réveillée, pas post-chrétienne », observant une ferveur de louange et une soif spirituelle inédites chez la jeunesse.

  1. Pèlerinages et spiritualité personnelle

Parmi les pèlerinages influents, Taizé reste un lieu phare : chaque année, plus de 100 000 jeunes se rendent dans cette communauté œcuménique en France pour méditation, chant, prière, et formation spirituelle.  Et pour terminer, citons les initiatives spirituelles en croissance comme les jeunes participant à des groupes d’études bibliques sans fréquenter forcément les cultes dominicaux — un signe d’une spiritualité personnelle en maturation en dehors des structures traditionnelles.

En Suisse, des signes d’un Réveil sont perceptibles notamment au travers de la dernière statistique de l’Office fédérale de la statistique publiée en juin 2025, dont voici quelques chiffres parlant: 40 % de la population prie au moins une fois par mois. La part des Églises évangéliques – y compris les autres communautés chrétiennes – est restée stable à 6 % alors qu’elle est en diminution dans les autres Églises. Encore plus étonnant:

  • 51 % de la population est plutôt d’accord ou tout à fait d’accord avec l’affirmation « Une pensée plus spirituelle serait bénéfique pour la société ».
  • La moitié de la population croit en une vie après la mort.

Voici quelques liens pour aller plus loin:

https://www.thetimes.co.uk/article/credo-why-christianitys-quiet-revival-is-being-led-by-gen-z-men-5h895qvks?utm_source=chatgpt.com

https://www.theguardian.com/world/2025/apr/26/a-revival-is-happening-church-hails-resurgence-among-young-in-uk?utm_source=chatgpt.com

https://www.ft.com/content/94460660-1fe1-411b-8649-cc886742c410?utm_source=chatgpt.com

https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/actualites/quoi-de-neuf.gnpdetail.2025-0553.html

Au-delà de sa manière de le préparer, le Réveil commence personnellement

Plusieurs participants confirment que les signes d’un Réveil rapportés précédemment se voient dans leurs contextes, surtout parmi les jeunes. Leur radicalité peut parfois être un défi en termes de cadre nécessaire pour qu’ils développent une fois équilibrée. Les leaders ont besoin de discernement pour que le cadre soit adapté et bienveillant. Et si la Relation (avec Dieu, les uns avec les autres) était l’équilibre entre Réveil et Radicalisation, se demande un participant. L’accueil de Bibles, notamment au travers de distribution dans la rue, s’est particulièrement amélioré ces dernières années. Des évènements tels que le Jesus Festival en France ou la capacité accrue des Églises à collaborer sont d’autres signes d’un Réveil.

Sommes-nous prêts pour un Réveil? Un consensus assez large se dégage pour répondre qu’on ne l’est pas, notamment dans le secteur de l’enfance. Le sociologue français Sébastien Fath affirme même qu’Église institutionnelle et Réveil ne vont pas ensemble! Comme il est écrit dans les évangiles, la moisson est prête mais il y a peu d’ouvriers. La question a se poser est donc la suivante: quels sont les freins qui nous empêchent d’aller dans la moisson?

Peut-on se préparer à accueillir un Réveil, si oui comment? A cette question les réponses n’ont pas été unanimes. Pour certaines personnes, l’Église peut effectivement se préparer en:

  • répondant activement aux besoins des jeunes. Comme les jeunes recherches des relations authentiques et profondes, les Églises peuvent se préparer en étant une famille qui vit cette qualité de relations;
  • équipant les personnes pour accompagner celles qui découvrent la foi;
  • développant la compréhension de la mission intégrale (qui comprend aussi le soin à la création par exemple).

Pour d’autres, l’Église n’a pas besoin de se préparer; lorsque le Réveil arrivera, elle saura s’adapter, comme elle a toujours su le faire. Une personne a évoqué que la préparation pourrait même faire « mourir » le Réveil.

Le partage a abouti sur un consensus fondamental: Le Réveil commence par soi-même, c’est un retour à Dieu, à son écoute. Avons-nous soif de voir le Royaume s’étendre ? Avons-nous envie de collaborer avec Dieu ? Ce constat dans le sens d’un chant du groupe Delirious intitulé « Envoie le Réveil, et commence par moi ».

Conclusion

On aspire toutes et tous à un nouveau Réveil en Suisse, et on est quelque part entre ces deux pôles des « Enflammés » et des « Blasés ». Bien qu’encore modestes et localisés, les signes visibles en Europe et plus discrètement en Suisse montrent que la quête spirituelle parmi les jeunes est réelle et vivante. Cette mouvance ne se lit pas seulement dans les statistiques, mais aussi dans la créativité spirituelle, la recherche sincère de sens, et l’engagement communautaire. Soyons dans l’espérance que le Réveil est en chemin et faisons confiance à Dieu qui saura lui donner la forme la meilleure pour nous, même si cela va certainement bousculer nos habitudes et nos fonctionnements. En attendant, entrons avec joie et activement dans les signes actuels du Réveil et continuons de prier afin d’être personnellement et communautairement prêts pour accueillir un nouveau Réveil massif.

Stéphane Klopfenstein, directeur adjoint RES