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Laïcité: un jugement favorable à la liberté religieuse

Fin 2019, la Cour constitutionnelle genevoise s’est prononcée sur les recours qui avaient été déposés contre certaines dispositions de la nouvelle Loi sur la Laïcité de l’Etat adoptée un peu plus tôt dans l’année. Le Réseau évangélique de Genève avait fait recours contre cette loi. Le RES revient sur les principaux éléments de cette décision de justice, globalement favorable à la liberté religieuse.

La Cour constitutionnelle genevoise a partiellement admis le recours du Réseau évangélique de Genève, estimant en particulier que la Loi sur la laïcité de l’Etat (LLE) était contraire à la liberté religieuse quand elle interdisait aux élus dans les instances législatives – Grand Conseil et conseils municipaux – de porter des signes religieux extérieurs. La Cour a retenu l’argument du REG selon lequel une telle interdiction n’était pas nécessaire du fait que les membres d’un organe législatif « n’ont pas vocation à représenter l’Etat mais la société et son pluralisme. » Pour la Cour, cette interdiction des signes religieux  « met à mal le principe démocratique, » car le parlement doit pouvoir « représenter différents courants d’opinions, y compris religieuses, qui se retrouvent dans la société, le rôle de l’Etat n’étant pas d’éliminer ce pluralisme mais bien de le consacrer pour qu’il se traduise dans la composition des organes législatifs. » Enfin, la Cour souligne que cette règle a pour conséquence d’empêcher les personnes « manifestant leur appartenance religieuse d’accéder à un mandat électif. » Le RES se réjouit de cette décision. Très attaché à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, mais aussi à la liberté religieuse pour tous, le RES estime que cette décision est un message positif adressé aux croyants de tous bords: eux aussi sont les bienvenus, en tant que citoyens, à participer constructivement à la vie citoyenne de leur canton et leur appartenance religieuse n’est pas un obstacle en soi à un tel engagement, ni une réalité que la personne devrait cacher.

Les représentants et les fonctionnaires doivent rester « neutres »

Il en va autrement, selon la Cour, pour les représentants de l’Etat et les fonctionnaires. Sur ce point, la Cour n’a pas donné raison aux recourants, estimant que l’interdiction « de signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs » lorsqu’ils sont en contact avec le public  était légitime pour garantir la neutralité religieuse de l’Etat. Pour la Cour, « leur comportement est imputable à l’Etat, en particulier lorsqu’ils sont en contact avec le public. » La Cour estime que les représentants de l’Etat et les fonctionnaires « ne sauraient donner l’apparence d’être guidés par des convictions religieuses au détriment d’une autre dans une société pluraliste. » La Cour signale toutefois que la mise en oeuvre de cette disposition devra être mesurée: par exemple, sanctionner un magistrat simplement parce qu’il dirait à quelle religion il adhère, serait disproportionné. Pour le RES, l’objectif de protéger la neutralité religieuse de l’Etat est tout fait légitime. Il espère néanmoins une application souple et non dogmatique de la loi, afin que la liberté religieuse des représentants de l’Etat et des fonctionnaires ne soit pas entravée de manière disproportionnée.

Les baptêmes publics autorisés

Enfin, en ce qui concerne les manifestations publiques cultuelles désormais interdites dans la Loi sur la laïcité, « sauf exceptions », et qui impacte notamment l’organisation de baptêmes au bord du lac, la Cour adresse un carton jaune au Grand conseil, sans aller jusqu’à déclarer la norme concernée comme inconstitutionnelle. En effet, la Cour reconnaît qu’ « une telle restriction apparaît disproportionnée et peu compatible avec la jurisprudence fédérale ». En conséquence, l’Etat devra accorder les autorisations nécessaires pour ces événements extérieurs ponctuels, comme par exemple pour les Eglises souhaitant organiser un baptême au lac, et ceci aux mêmes conditions que pour les événements non cultuels. Cette explication apporte une clarification très importante, non seulement pour Genève, mais aussi pour les autres cantons. Alors que ces baptêmes au bord du lac étaient à parfois simplement tolérés, sans faire l’objet d’une autorisation explicite, les Eglises pourront désormais demander une autorisation officielle et devraient en principe être en mesure de pouvoir conduire ces activités publiques en toute légalité. Compte tenu de ce jugement globalement positif, le Réseau évangélique de Genève a décidé de ne pas faire recours contre cette décision et suivra avec attention la mise en oeuvre de cette loi.