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COVID-19 et vaccination – petit tour de la question

Si vous suivez quelques personnalités ecclésiastiques influentes dans les médias, vous avez sans doute vu l’Archevêque de Canterbury, Justin Welby (65), se faire vacciner en direct. Le pape François 1er (84) n’a pas non plus nuancé ses propos au sujet de la vaccination Covid-19, avant et après l’avoir pratiquée – un peu plus discrètement que son co-dignitaire anglais.

Alors oui, en effet, indépendamment de leur appartenance ecclésiale, les deux font partie des groupes à risque, avec leurs âges respectables. Le signal ainsi délivré reste toutefois sans équivoque.

Qu’en est-il des Evangéliques ? C’est là que ça semble se compliquer… Nos homologues alémaniques, la fédération des fédérations évangéliques « Freikirchen.ch », ont publié début janvier un document en allemand intitulé « Ethische Überlegungen zur Covid-19-Impfung », ceci à grand renfort de « paroles qui font foi », celles d’une personne hautement autorisée, à savoir un médecin théologien avec un titre aussi long que l’aiguille d’une seringue de vaccination. Bien que les arguments dans ce document soient clairement en faveur de la vaccination contre le COVID-19, les voix sont diverses et dissonantes dans la population en général, mais aussi en particulier parmi les chrétiens évangéliques. Bien des craintes apparaissent et s’agitent lorsque l’on prend le temps de parler cartes sur table.

Des convictions de fond

Durant les 50 dernières années, l’incitation vaccinale était peu respectée dans certains milieux évangéliques, autant dans les rangs conservateurs que chez certains charismatiques. A l’origine de ces refus on peut trouver des dogmes, mais aussi les arguments pseudo-scientifiques également mis en avant par les mouvements anthroposophes (« Si tu te vaccines tu vas devenir faible »). Mais ils sont parfois aussi l’expression d’une foi bouillante préférant l’action divine à l’utilisation de la médecine occidentale. 

Une avalanche de peurs ?

Même si nous savons que, mis à part la crainte de Dieu, les peurs sont plutôt mauvaises conseillères (1 Jean 4:18) elles viennent allègrement se mélanger aux nombreuses convictions de fond :

  • Peurs d’un complot mondial

A l’époque du « tout et n’importe quoi » dans le cyberespace globalisé, il est très facile de dénicher des reportages vibrants affirmant haut et fort les suspicions d’un nouvel ordre mondial ou les « révélations chocs à peine altérées » d’une personnalité influente qui voudrait réduire la population mondiale à un demi-milliard d’individus. Administrés à hautes doses, il n’est pas étonnant que la « connaissance du bien et du mal » chavire et que l’on prête foi à des rumeurs et des ragots sans réels fondement et valeur.

  • Peurs de débauche sexuelle

Certains mouvements protestants déconseillent le vaccin contre le papillomavirus humain aux jeunes filles parce qu’il risquerait de favoriser la « promiscuité sexuelle » en laissant penser qu’avec ce traitement « le sexe serait sans risque ». La vaccination est alors perçue comme une incitation à détourner les jeunes femmes de la voie de la chasteté jusqu’au mariage.

  • Peurs d’une modification de notre génome

Pour le vaccin contre le SARS-COV2, certaines personnes craignent que l’acide ribonucléique messager (ARNm, une copie transitoire d’une portion de l’ADN correspondant à un ou plusieurs gènes) introduit dans la solution liquide du vaccin vienne altérer l’ADN du corps lui-même. Or, il faudrait d’abord que l’ARNm « simple brin » soit converti en ADN « double brin ». Cela nécessite une enzyme spécifique (transcriptase inverse), que les humains ne possèdent pas.[1]

  • Peurs de forcer la main de Dieu

Un sermon de 1772 intitulé « La pratique dangereuse et pécheresse de l’inoculation » par le théologien Edward Massey laissait entendre que la variolisation était une « opération diabolique » quand les maladies de Dieu étaient là pour punir leurs victimes de leurs péchés[2]. On renonçait à la vaccination pour ne pas empêcher l’action de Dieu.

  • Peurs de modernité

Dans le contexte amish, les vaccins entraient dans la catégorie des « innovations contre-nature ». En situation épidémique, les leaders locaux sont nouvellement plutôt enclins à les tolérer.

  • Peurs et retenues éthiques

En 2005 des inquiétudes au sujet de la composition du vaccin contre la rubéole, cultivée sur des cellules diploïdes humaines issues de lignées de cellules de fœtus avortés, ont généré un mouvement de protestation et de refus du vaccin concerné.

  • Peurs basiques des piqûres

Bref…?

Le champ de tension entre une éthique individuelle (mes intérêts, mes limites, mes craintes, etc.) et une éthique sociétale (mise en danger de personnes à risque, coûts du système de santé, seuil d’immunité sociétal, etc.) est réel et bien plus complexe qu’il n’y paraît. La mise en regard des intérêts soulève des questions ouvertes des deux côtés de la « balance », notamment en ce qui concerne les éventuelles conséquences à long terme d’une vaccination ou d’une maladie. 

Alors, que faut-il faire ?!

Le Réseau évangélique suisse ne propose intentionnellement pas de recommandation formelle et unique dans la question de la vaccination contre le virus SARS-COV2. Il souhaite plutôt inciter à ce que chacun fasse son analyse en collaboration la plus étroite possible avec le Saint-Esprit, notre conseiller infaillible et parfaitement documenté. Que nos choix soient basés sur des arguments éprouvés pour lesquels nous avons une pleine conviction car nous le savons : tout ce qui ne provient pas d’une conviction de foi rate la cible (Romains 14:23b).

Christian Kuhn / 22.01.2021


[1] Freikirchen.ch: «Ethische Überlegungen zur Covid-19-Impfung» – Dr. phil. Dr. sc. nat. Beat Schweitzer (biologiste moléculaire et théologien), professeur d’éthique au Séminaire théologique St. Chrischona

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_sur_la_vaccination#Christianisme