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Avis de droit: la liberté d’expression sous pression

Le Réseau évangélique suisse (SEA-RES) se distancie de tout comportement qui ne respecte pas la dignité des personnes homosexuelles. Il condamne toute forme de discrimination, de violence ou d’incitation à la haine. Toutefois, le SEA-RES craint que l’extension de la norme pénale en matière de racisme ne restreigne excessivement la liberté d’expression. Ce serait un pas en arrière pour la culture suisse de la tolérance et du dialogue. Le SEA-RES, qui ne fait pas partie du comité référendaire, soutient néanmoins la récolte de signatures en faveur du référendum afin que le peuple puisse se prononcer sur ce changement législatif. Les signatures peuvent être envoyées jusqu’à fin mars. 

Les avis critiques sur l’homosexualité sous surveillance

Le SEA-RES a sollicité un avis de droit pour mieux saisir les enjeux liés à cette modification de la norme pénale et ses implications possibles pour les autres droits fondamentaux. Le SEA-RES a notamment posé les questions suivantes : « Les pasteurs pourront-ils à l’avenir à faire des évaluations critiques de l’homosexualité ou de la bisexualité basées sur leur interprétation de la Bible lors de la prédication ? » De tels discours n’entreront dans le champ d’application que pour autant qu’ils « atteignent une intensité suffisante : ce sera le cas si le discours prononcé est insultant, calomniateur ou injurieux. »

A partir de quel moment un discours est-il considéré comme un « appel à la haine ou à la discrimination » ? A priori, il est attendu que la justice exerce un seuil élevé pour définir les discours qui seraient prohibés par cette disposition et qu’une simple opinion négative sur l’homosexualité ne tomberait pas sous le coup d’une condamnation. L’avis de droit signale toutefois une évolution problématique en Europe : « Actuellement, le caractère haineux d’un discours est évalué d’un point de vue objectif, c’est-à-dire qu’un public moyen est capable de le saisir. Cependant, selon le gouvernement anglais, un discours est haineux lorsqu’il est perçu comme tel par la victime. Même si le droit suisse est fondé sur une perception objective d’un discours de haine, il n’est pas à exclure que des procédures puissent être ouvertes contre des personnes ou des institutions sur la base d’un critère subjectif, leur causant ainsi un dommage de réputation. »

Le SEA-RES condamne tout discours appelant à la haine ou à la violence. Cela n’est jamais admissible. Il rejoint sur ce point une des préoccupations de cette initiative parlementaire, mais il s’interroge sur les conséquences pour la liberté d’expression si tout un chacun pourra désormais dénoncer des propos publics qu’il jugerait « insultant » en lien avec l’orientation sexuelles des personnes. Même si la procédure n’aboutissait pas sur une condamnation, les dommages pour l’image et la réputation de la personne poursuivie seraient considérables.

L’exclusion des fonctions ecclésiastiques

En ce qui concerne le cas de figure où une personne serait exclue d’un emploi et d’un ministère dans les Eglises, la situation semble assez claire. Le fait de considérer qu’une personne homosexuelle ne saurait exercer un ministère en raison de son orientation sexuelle, entrerait dans le champ d’application de la loi. Le SEA-RES estime que ses Eglises membres se refusent à ce genre de discrimination. Pour elle, il est en général attendu que la personne employée ou exerçant un ministère, adhère à la confession de foi de la communauté et à l’éthique sexuelle qu’elle propose. Le fait qu’elle puisse être homosensible n’est pas une raison de l’exclure. Le critère d’embauche ne repose donc pas sur l’orientation sexuelle de la personne, mais sur ses convictions personnelles en la matière.

Le cas des services des Eglises destinés au public

Le traitement des services destinés au public est probablement la moins problématique. Le SEA-RES s’est interrogé sur la question de savoir si les couples de même sexe pourraient se voir refuser des bénédictions, des cérémonies de mariage et d’autres offres en toute impunité ? Or une prestation publique, c’est un service destiné à un nombre indéterminé de personne et pour une courte durée (comme un voyage en bus, commander un verre, acheter du pain, une nuitée dans un hôtel, la participation à un culte, etc.). Une bénédiction de mariage ne tombe pas sous le coup de cette définition, dans la mesure où elle consiste en un accompagnement personnalisé et en un témoignage de l’adhésion du couple à la compréhension du mariage proposée par la communauté religieuse sollicitée.