Avec l’accord qualifié d’historique trouvé le 9 octobre 2025 pour mettre fin à la guerre entre Israël et le Hamas, le Réseau évangélique suisse (RES) donne la parole à deux personnes qui se sentent particulièrement touchées par cette décision. Il s’agit d’une part de Stephen Pacht (à droite sur la photo), juif messianique, ancien directeur de Juif pour Jésus (notamment en Suisse) et actuel président de The Swiss Messianic Jewish Alliance (SMJA) et d’autre part de Sultan Assawahri (à gauche sur la photo), chrétien palestinien, directeur de Peace Makers Catalyst, pasteur en Suisse alémanique et membre du Conseil de la Schweizerische Evangelische Allianz (SEA). Voilà leurs réponses aux questions posées par le RES.
- Avec l’accord qualifié d’historique annoncé le 9 octobre 2025 et les premières mesures d’application en cours, quel(s) sentiment(s) vous anime aujourd’hui?
S. Pacht: C’est tout d’abord un sentiment de soulagement partagé avec les victimes des deux camps et que les vingt otages encore en vie aient été libérés. Mais en vrai, je n’ai qu’un faible espoir que ce projet de paix prenne effet et que les hostilités cessent. Ensuite, c’est un sentiment de désespoir. Gaza est en ruines. La vie des Gazaouis est en ruines. Israël est meurtri. Israël est vilipendé. Le Hamas refuse de désarmer et de se retirer de la scène politique ; Israël doit libérer 250 meurtriers en échange de 48 otages innocents, vivants et morts, victimes de tortures et de meurtres. Deux ans de carnage. Une génération traumatisée. Finalement, j’ai un sentiment de colère. Il y a deux ans, les Nations Unies ont refusé de condamner le Hamas après les massacres du 7 octobre. Le mois suivant, un sommet arabo-musulman réunissant 57 nations rendait Israël coupable d’enclencher la guerre. Aujourd’hui, sous l’influence des États-Unis, trois pays, la Turquie, le Qatar et l’Égypte, font pression sur le Hamas pour qu’il accepte le projet de paix. Pourquoi la pression américaine a-t-elle été nécessaire ? Qu’est-ce qui a empêché les pays de s’exprimer contre le Hamas il y a deux ans ? Quant au gouvernement israélien, sa conviction erronée et son orgueil démesuré de croire que le Hamas pourrait être éliminé par la guerre à Gaza ont entraîné d’immenses souffrances, destructions et pertes de vies humaines à Gaza.
S. Assawahri: Pour répondre à cette question, je dois d’abord vous parler un peu de mon parcours. Je suis né dans une famille palestinienne musulmane qui a fui Jérusalem pour la Jordanie en 1967. J’ai grandi avec une haine profonde envers les Juifs et mon plus grand souhait était de les combattre et de les faire disparaître de la surface de la terre. Mais en 2008, quelque chose s’est produit qui a complètement changé ma vie : j’ai rencontré Jésus-Christ. Cette rencontre a transformé mon cœur de l’intérieur. Mon souhait n’était plus seulement que ma famille et mon peuple connaissent l’œuvre de rédemption de Jésus sur la croix, mais aussi que le peuple juif (dont Christ lui-même était issu) le rencontre et le reconnaisse. La colère et la haine qui remplissaient autrefois mon cœur se sont transformées en prière et en bénédiction : une prière pour mon peuple et pour le peuple juif, afin qu’ils reconnaissent le Christ et trouvent la paix – avec Dieu, avec eux-mêmes et entre eux. C’est pourquoi l’accord du 9 octobre 2025 m’a donné un nouvel espoir. J’ai senti que cela pourrait être le début d’un nouveau Moyen-Orient, où la paix de Dieu règne entre les nations. Peut-être cela mettra-t-il enfin un terme à un conflit qui dure depuis des décennies et ouvrira-t-il la voie à un nouveau dialogue, où la souffrance et la douleur prendront fin.
- Quels signes d’espérances en Jésus, le messie promis, voyez-vous au travers de cet accord de paix même s’il est encore un peu fragile et pas complètement accepté par les deux parties?
S. Assawahri: l’espoir que je vois dans cet accord de paix est étroitement lié à la promesse de Dieu telle qu’elle est décrite dans Ésaïe 19. Elle me rappelle que Dieu agit dans l’histoire, indépendamment de la faiblesse humaine ou des frontières politiques. Dans Esaïe 19:23-25, nous trouvons une promesse puissante : «Ce jour-là, il y aura une route entre l’Egypte et l’Assyrie. Les Assyriens se rendront en Egypte et les Egyptiens en Assyrie, et les Egyptiens serviront l’Eternel avec les Assyriens. Ce jour-là, Israël sera le troisième, avec l’Egypte et l’Assyrie, à être une bénédiction pour toute la terre. L’Eternel, le maître de l’univers, les bénira en disant: «Bénis soient l’Egypte, mon peuple, l’Assyrie, que j’ai créée de mes mains, et Israël, mon héritage!» Ces paroles expriment une espérance qui va plus loin que tout accord politique, une espérance de paix que seul le Christ peut apporter. Pour moi, cet accord est un petit avant-goût de ce que Dieu a promis : que l’hostilité se transforme en amitié, que les peuples se réconcilient et deviennent une bénédiction pour toutes les nations.
S. Pacht: le caractère incertain du processus de paix politique renforce ma confiance dans l’Évangile. L’énorme difficulté à parvenir à un accord imparfait et fragile confirme l’inadéquation d’un gouvernement humain (the inadequacy of human government). Il n’y a de paix véritable que dans le Messie. Il est révélateur que Jésus ait souligné la nature défectueuse des institutions politiques en l’absence d’une véritable transformation intérieure: «Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne […] (Jean 14.27).
- Quel est votre principal sujet de prière pour l’avenir de la région, en particulier pour la mise en oeuvre de cet accord, qui pourrait inspirer les prières de toutes les chrétiennes et tous les chrétiens en Suisse romande.
S. Pacht: j’ai une une double prière: premièrement, que Dieu fortifie l’Église pour qu’elle partage la lumière du Messie et répande l’Évangile de la paix ; que Dieu suscite des ouvriers pour la moisson. Nous sommes les ambassadeurs – les porte-paroles – du Messie et il nous a confié le message de la réconciliation – la réconciliation avec Dieu en Christ. Ce n’est qu’ensuite que nous pouvons espérer une véritable réconciliation avec nos voisins – et nos ennemis. Deuxièmement, que Dieu suscite de véritables artisans de paix dans les sphères politiques, non seulement en Israël et parmi les Arabes palestiniens, mais dans le monde entier.
S. Assawahri: je prie pour que cette paix s’enracine dans les cœurs, que les responsables entendent la voix de Dieu, que les blessures soient pardonnées et que les chrétiens de la région deviennent des bâtisseurs de ponts. Je prie pour que les habitants de Gaza, d’Israël et de tout le Moyen-Orient rencontrent Dieu d’une nouvelle manière et connaissent la guérison. Je prie pour que toute la haine et l’hostilité envers le peuple juif disparaissent dans le monde et qu’il puisse vivre dans la paix et la dignité. Comme il est écrit dans Esaïe 19, je souhaite que les anciens ennemis deviennent amis et qu’un chemin de réconciliation se trace, reliant les nations. Je prie pour que les chrétiens en Suisse et dans le monde entier se joignent à cette prière, non pas pour prendre parti, mais pour prier afin que le royaume de Dieu vienne sur terre, que les gens se repentent, reconnaissent Jésus-Christ et trouvent une véritable réconciliation. Je crois que sans Jésus, aucune paix durable n’est possible. Prions, car ce que nous semons dans la prière peut porter ses fruits dans la réalité.
- La situation vécue durant deux ans de guerre a malheureusement provoqué des clivages dans nos églises, en lien notamment avec l’interprétation eschatologique (fin des temps) des évènements. Avez-vous un mot de la fin qui pourrait aider à apaiser les relations?
S. Assawahri: je crois que nous devons toujours garder à l’esprit que Jésus lui-même est au centre de notre foi. Cependant, si nous nous laissons distraire par des questions secondaires ou des divergences d’opinion, nous perdons facilement de vue l’essentiel. Notre unité devant Dieu revêt une importance cruciale. En fin de compte, ce n’est pas notre interprétation personnelle qui s’accomplit, mais la parole de Dieu, car lui-même veille sur ses promesses. C’est pourquoi, quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous devons garder les yeux fixés sur Jésus et préserver l’unité entre nous. Notre amour les uns pour les autres est le témoignage le plus fort que nous puissions donner au monde. Jésus a prié dans Jean 17:20-21 : «Je ne prie pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui croiront en moi à travers leur parole, afin que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous pour que le monde croie que tu m’as envoyé.»
S. Pacht: Je remercie Dieu lorsque je pense à certains frères et sœurs en Christ. Un frère libanais, né dans une culture chrétienne, qui n’aimait pas les Juifs jusqu’à ce qu’il rencontre le Christ. Un frère palestinien, ancien musulman, qui a grandi comme réfugié en Jordanie, qui a trouvé le Christ et a reçu un amour pour Israël et un désir qu’Israël se tourne vers son Messie. Un musulman de Gaza, dont la famille a été tuée sous les bombes israéliennes, qui a trouvé la paix avec Dieu et a reçu la grâce de pardonner à Israël et au Hamas. Il est venu au Christ par l’intermédiaire d’un autre musulman palestinien qui a fui la Jordanie lorsqu’il s’est tourné vers le Christ. Je les ai connu dans une Église conduite par un pasteur américain marié avec une soeur israélienne. J’avais connu son père comme un jeune homme juif qui venait de trouver son Messie et qui était plein de zèle pour le Seigneur. Il a été tué il n’y a pas si longtemps, alors qu’il distribuait des bibles en Irak. Je remercie Dieu que l’Evangile soit la puissance du salut pour tous ceux qui croient